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48H AVANT UNE PREMIERE AU THEATRE – Groupe EDLC

48H AVANT UNE PREMIERE AU THEATRE

 

A chaque rendez-vous j’éteins mon téléphone. Je ne le mets pas en mode silencieux ou en hors ligne. Non je l’éteins. Je ne veux pas être dérangé. Je ne veux pas déranger non plus mon interlocuteur. Je rallume mon téléphone. Je vois l’heure s’afficher sur l’écran : 19h30. « Dans 48h c’est la première ». Dans 48h le rideau se lèvera. Trois SMS s’affichent sur mon téléphone. Un appel manqué aussi. Un appel manqué de Louis, mon comédien.

Deux jours que je passe mon temps à le rassurer, deux jours qu’il m’assène de questions, qu’il me demande à changer le texte. « Amateur ».

Je m’engouffre dans le métro. Direction Strasbourg St Denis. Je pars boire un verre avec Marie, j’ai besoin de décompresser avant la Générale demain soir, avant la première après-demain. Je lui fais part de l’appel manqué de Louis, de ses appels de ses derniers jours, de ses craintes, de ce que je juge un manque de professionnalisme. « C’est normal, il est jeune » me dit-elle. « Il a besoin que tu sois là pour lui ».

« Mais je ne suis pas sa mère ». Je n’aime pas qu’elle le défende.

Après deux verres, Marie…enfin le Sancerre… m’a finalement convaincu de le rappeler. Ça sonne. Répondeur. Je lui en veux de ne pas répondre, de ne pas être reconnaissant que je finisse par lui retourner son appel. C’est un ingrat. Je décide de rentrer à pieds chez moi. Sur le chemin du retour je fulmine. Je n’accepterai aucun caprice demain. Il a intérêt à se montrer irréprochable.

 

24H avant la première. J’arrive au théâtre à 19h pour la générale. Je n’ai pas eu de nouvelles de Louis de la journée. Je n’ai pas cherché à en avoir non plus. Il a dû se calmer j’en suis sûre.

Décors en place, réglage de la régie. Louis a le culot d’être en retard. Il est là mais en retard. Je suis tendue. Etonnement la générale se déroule sans problème. Mais quelque chose me gêne… Louis se montre trop docile face à mes remarques. Il est juste dans son jeu mais c’est comme si il lui manquait l’envie, le désir d’être là. J’ai envie de le secouer, de le réanimer presque. Je finis par m’emporter mais cette fois Louis ne répond pas, il acquiesce tout ce que je dis, accepte les reproches sans broncher. Je n’arrive pas à y croire. Son attitude d’enfant de coeur a le don de m’énerver encore plus. Je sais qu’il fait ça pour me provoquer. Alors je m’emporte : je déballe tout. Tout ce que je pense de lui, à quel point je le trouve minable… J’ai l’impression d’apercevoir un petit sourire s’esquisser sur son visage pendant l’espace d’un instant. Je pointe du doigt son insolence. « Parano ? Moi ? ». Je me tourne vers mon assistant, la tête baissée, il n’ose pas me regarder. Le régisseur, les bras croisés, semble s’impatienter. J’entends des toux gênées venant du public. Son plan est de m’humilier.

Je rêve de le détruire, de lui retirer toute opportunité de jouer de sa vie.

Une idée me traverse soudainement. L’idée de fuir, de tout abandonner.

Par Lucile Mayet




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