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La princesse oublie – Groupe EDLC

la princesse oublie

 

La princesse de l’oubli

 

Bleu, bleu, bleu… Quand je regarde par la fenêtre, tout est bleu. De temps en temps, des petites touches de couleurs passent devant moi, rouge, jaune, orange… Banc argenté qui défile sous mes yeux et danse en formant des cercles à vitesse égale. Parfois la danse s’arrête lorsqu’une masse sombre avec des dents tranchantes se referme sur eux. Je regarde alors ce spectacle pendant que la servante brosse mes longs cheveux dorés qui ondulent jusqu’à mes hanches. Dans le hublot, mon reflet se reflète révélant ma peau blanche et mes pommettes roses. Je suis charmante avec mon petit nez retroussé et mes dents crèmes alignées à la perfection. Tout d’un coup, une douleur violente me tire le haut du crâne et je sens mes joues roses devenir rouges, rouges de colère. Le sang bouillonne sous ma peau, je sens que je pourrais exploser si elle me retire les cheveux de la sorte. La douleur s’estompe et je reprend petit à petit ma douce couleur naturel. Sur ma tête, on pose délicatement une couronne or parsemé de diamants bleus, couleur de la royauté. On  m’aide à enfiler un corset et une belle robe rose avec de la dentelles sur les manches. On me trouve belle, on me dit que ça me va bien au teint. Belle oui de l’extérieur mais moche de l’intérieur, mon âme est noire et se mélange au rouge de ma colère qui jaillit parfois sans prévenir. Mon sourire fait illusion en surface, mais à l’intérieur, je suis un océan d’amertume, piégée dans un sous-marin de ténèbres et les ténèbres ne sont jamais seules, je suis leur prisonnière. Elles rient de moi depuis mon enfance, depuis ce fameux jour où l’on m’a maudite. Maudite pour les péchés de mon père, je paie aujourd’hui le prix de ses erreurs, coincée dans ce monstre métallique qui sillonne les fonds marins sans but. Chaque jour l’espoir que l’on me délivrera diminue et mon âme devient de plus en plus sombre. De nombreux princes et chevaliers ont déjà tenté de me délivrer, combattant les murènes et autres monstres aquatiques, me laissant en guise de paysage que des squelettes flottant tels des fantômes grisâtres dans les abîmes bleues marines de mon monde. Mon coeur noir se referme au fil des années, et les serviteurs enfermés avec moi depuis toutes ces années en paie le prix. Chaque nouvelle tentative échouée est comme un coup de massu. Nous tournons en rond tels des poissons rouges dans un bocal et l’isolement couplé au rythme de la marré nous dérègle les pensées. Certaines fois, nous rêvons éveillés et les hallucinations guident nos journée, nous décidons de voir ce que nous voulons, ce qui nous aide à tenir, afin d’éviter à tout prix la folie. Moi, je m’accroche aux couleurs qui dansent sous mes yeux, j’envie leur liberté, leur mouvement, leur innocence, ils ne savent pas encore que la masse sombre va bientôt venir les engloutir, elle attend sagement, tapis dans l’ombre que le moment soit le bon. Chaque jour, mes piques de colère se font de plus en plus intenses et je sens le sang royale taper dans mes tempes. Je vois mes pommettes devenir grises et je ne comprend pas pourquoi on s’efforce chaque jour à me vêtir d’une robe et d’une couronne qu’aucune cour royale ne verra jamais. Mon père n’a d’ailleurs jamais vraiment vu la vrai bleu de mes yeux, je ne suis plus qu’un vague souvenir dans sa mémoire et bientôt mon nom quittera le bout de ses lèvres roses. Je suis désormais ce qu’on appelle oubli…

 

TIPHAINE CAZANAVE

Par Tiphaine CAZANAVE




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