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Un acteur absent – Groupe EDLC

Un acteur absent

 

Un acteur qui ne vient pas.

Jour de représentation.

Tout le monde est prêt. Tout le monde est là. Tout le monde attend.

Lui ? Le connaît-on bien ? Lui avons nous fait confiance ?

Retracer les faits.

L’année dernière émergence de l’idée. Dans la tête d’un metteur en scène. Qui ? Lui. Encore. Déjà.

Tard dans la nuit Tim décide d’en parler à son amie comédienne Nora. Le projet prend forme peu à peu et la complicité des acteurs se renoue. Le plateau offre son lot de souvenirs. De la poussière d’acteur qui tournoie au cours des représentations. Leur créativité déborde et la pièce s’annonce triomphante.

Tim est impulsif et sûr de lui. Il a longtemps cru en l’humain. Son enfance s’est bâtie sur des conflits qu’il a appris à résoudre par la persuasion qu’il avait toujours raison. Si ce postulat s’effondre c’est un cataclysme psychologique qui risquerait de le conduire à la dépression, le meurtre peut-être ou le suicide.

Sa vision est simple : Tim n’accorde sa confiance à personne parce qu’il refuse à jamais d’être déçu ou d’attendre ne serait-ce qu’un regard des autres, même des gens qu’il connaît. Ce choix il le fait la veille du soir où il appelle Nora.

Au cours des mois de répétitions dans un conservatoire parisien, la nature de Tim se hérisse. La complicité et le plaisir partagé des deux comédiens se métamorphose imperceptiblement. L’insensibilité accrue de Tim provoque un manque sur sa partenaire qui se traduit par des irruptions d’émotion excessive, des besoins démesurés de se sentir exister. Toute la chaleur retrouvée lors des premiers rendez-vous a désormais complètement disparu. Les longues séances sous la lumière tiède des projecteurs, les pages de travail à la table de son appartement, l’écho des rires fatigués de rebondir dans sa tête, tout cela laisse place dans sa tête au doute et la confusion retorse. Bientôt la jeune femme se laisse submergée par l’absence abyssale qui la ronge. Tellement, qu’il paraît que deux pierres dialoguent sur des planches de bois devant un parterre de chaises vides.

Aujourd’hui le froid enserre les murs du théâtre. On pourrait croire que les vitres vont céder à la prochaine bourrasque.

Jour de représentation. Tim est en route. Elle aussi. Chacun son métro, les stations accélèrent les battements du coeur des acteurs.

Le degré de vide intérieur de Nora est démesuré. Elle n’y prête aucune attention. Elle court mais elle est en avance. Tim est calme et flegmatique.

Le théâtre, lui, déjà fourmillant de monde, d’activité, de lumière, de portes claquées et de cris lancés à celui qui entendra.

Chaud. Tim retire ces couches de vêtements dans les loges. Il rejoue la pièce dans sa tête. Il attend aussi.

Elle, Nora, perdu dans se vide, figée dans le reflet de cette capsule de métro. Elle est seule dans ce wagon dont elle ignore la destination. Elle ne comprend plus. Croit apercevoir des visages mais seulement le sien qui change au travers du paysage qui défile, vertigineux.

Demain elle sera morte d’absence. Et Tim, lui, il attend.

 

Par Edouard Lapras




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