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Les amoureux des 48H – Groupe EDLC

Les amoureux des 48H

 

Nous nous sommes regardés comme ça.

Je ne savais pas qu’elle était là. A cet endroit je veux dire. En haut des petits escaliers, devant l’entrée.

C’était pendant un spectacle. Elle venait des coulisses et il m’a semblé que ses yeux ont été éblouis lorsqu’elle m’a regardé mais je crois que c’était la lumière. Le contraste entre l’obscurité de la contre-allée d’où elle sortait et le couloir extérieur, à l’entrée du théâtre, étira d’abord le contour de ses yeux, puis, l’instant d’après, dessina imperceptiblement sur les bords extérieurs de petits plis réguliers, comme des vagues qui dansent, amusées par cette entrevue impromptue. J’ai rit à sa vue et nous avons eu l’impression de dialoguer comme ça quelques instants.

Sans rien nous dire nos sourires se contaminaient l’un l’autre.

Elle me fit comprendre, par un mouvement gracieux qui parti de son épaule et se prolongea jusqu’au bout des doigts, qu’elle devait retourner surveiller l’entrée du spectacle depuis l’intérieur des coulisses. Elle regarda par dessus cette même épaule et je vis la douceur de son cou, la blancheur de son menton émerger de derrière son écharpe. Elle avait un doux parfum qui m’enivrait rapidement et je décidai de la suivre sans l’avoir vraiment réfléchi. Elle ne se retourna pas et je cru ressentir son sourire en cheminant sur ses pas. J’avais l’impression d’être enveloppé de cette fragrance, je naviguais sur des champs de lilas.

Dans la pénombre derrière le rideau, nous écoutions, comme des enfants cachés dans une tente, la pièce qui se jouait encore. Le passage peu fréquent des techniciens et des comédiens provoquait une tension excitante, l’interdit d’une action qui la rend plus désirable.

Elle était plus jeune que moi. Se planta dans le recoin d’un pilier et je ne vis plus qu’une parcelle éclairée de sa figure. Elle sourit encore et sa bouche entrouverte laissa échapper son souffle chaud qui se répandit sur moi comme la course des feuilles poussées par la brise.

Elle posa son doigt sur sa bouche. Sans doute elle crut que je voulais parler. J’ai pensé qu’elle allait poursuivre son mouvement sur mes lèvres pour les empêcher mieux encore.

Il me semble qu’à cet instant je la désirai.

Elle voulu prendre mon bras pour me montrer qu’un comédien sortait mais n’effleura que mon coude et je senti une énergie palpable se transmettre à son contact.

Il me paraissait que tout son être battayait pour une cause unique et que c’était pour me montrer que je l’attirais. Le comédien passa le long du couloir tandis que je laissai courir mes doigts sur son avant bras.

Les interdits sont des cadeaux : ils offrent le temps que nous ne prenons jamais.

Nos mains se joignirent en un frisson sur une tirade saccadée des acteurs. Elle chuchota quelque chose mais je ne reçu que la poussière de ses lèvres. En parlant, sa bouche jouait avec l’éclairage du projecteur qui perçait par la fente du rideau et j’eu l’impression que c’était elle qui récitait un texte sur la scène. La lumière dansa lorsque ma comédienne déplaça son visage sur la droite. J’avais envie de faire prolonger la sensation de douceur qui nous baignait dans cette semi-clarté.

On aurait dit qu’elle avait attendu cet instant et je vis la joie percer à travers son regard. Elle me dévisagea subitement laissant, choir la rythmique de nos corps, comme si elle lâchait ma main pendant une course. Puis je senti le contact se renouer, plus fort qu’avant. Nos mains se sont séparées, et lorsque je m’en rendis compte leur température avait déjà baissée depuis longtemps. Je me suis rapproché. Mon cœur s’accéléra et la musique du spectacle faisait un contrepoint régulier qui me rassura.

J’entendis la porte extérieur s’ouvrir et l’instant d’après un comédien venait nous rejoindre.

Le moment d’égarement pris fin tel qu’il avait éclos : en un battement de cil.

Par Edouard Lapras




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